Le Mélange des genres, film de Michel Leclerc
Simone (Léa Drucker) est une policière infiltrée dans un groupe féministe, car elle le soupçonne d’être complice d’une femme qui a tué son mari violent. Pour ne pas griller sa couverture, elle accuse Paul (Benjamin Lavernhe) de l’avoir violée. Les deux histoires se croisent, celle de la flic réac qui finit par adhérer aux valeurs féministes et celle de l’homme « déconstruit » qui doit réagir à une fausse accusation. Certains critiques accueillent le film froidement. Il faut dire que pendant des années, ils ont fermé les yeux sur les violences sexuelles dans la « grande famille du cinéma ». Retour de balancier, ils prennent maintenant des pincettes quand il s’agit de sujets aussi décoiffants… et ils ratent l’essentiel du film.
Le Mélange des genres est un film anti-police comme on en fait trop peu. Ce sont les policiers qui étouffent les plaintes des victimes et inventent des fausses accusations de viol, qui n’aident pas les femmes qui les alertent, mais qui les mettent derrière les barreaux quand elles ont mis fin à leur calvaire en tuant leur mari. À l’heure où la lutte contre les violences sexuelles est trop souvent envisagée sous le prisme policier et judiciaire, la critique est salutaire. Et pour l’appuyer, le film montre que c’est surtout le travail de terrain des militantes féministes qui est utile. Ce sont elles qui accompagnent les victimes quand elles portent plainte, qui permettent à des femmes comme Simone de prendre conscience de leur propre oppression, et alertent sur la responsabilité des institutions de l’État bourgeois… Et même si le film se permet de temps en temps quelques moqueries, quelques traits un peu caricaturaux, c’est aussi une façon bienvenue de traiter avec légèreté le sujet, et on retrouve la spontanéité et la fantaisie qu’on aimait dans les films précédents de Michel Leclerc (Le Nom des gens, La Lutte des classes).
La limite un peu frustrante, c’est que certains aspects du film sont traités en surface, notamment le personnage de Sofia (Melha Bedia). En galère après avoir fui le domicile familial, elle s’engage du même coup dans le collectif et s’y retrouve régulièrement critiquée pour ses « maladresses » par Marianne (Judith Chemla), sculptrice qui le dirige de façon tyrannique. Mais son histoire est plus profonde que ça, et si le film avait pris le temps de plus l’aborder, cela aurait permis de développer la question des rapports de classe au sein même du féminisme. D’autant qu’on sait que le réalisateur a tout à fait été capable de le faire, sur d’autres sujets, dans ses films précédents !
Claire Lafleur et Bastien Thomas