Depuis le cyclone Chido qui a ravagé Mayotte le 14 décembre, le 101e département français fait l’objet d’une surenchère xénophobe, qu’il s’agisse de Macron, Bayrou et maintenant Le Pen, arrivée sur place le 5 janvier pour une visite de trois jours. Tous font mine de se préoccuper du sort des Mahorais… pour mieux les laisser dans le dénuement le plus extrême. Les sinistrés n’ont reçu aucune aide durant plus d’une semaine et actuellement, les distributions d’eau et de nourriture sont largement insuffisantes et les aides au relogement inexistantes. Les membres du gouvernement Macron ou du Rassemblement national ont tous la même tactique : mettre l’ampleur du désastre sur le compte des immigrés, qu’il s’agisse de ressortissants des autres îles des Comores ou de réfugiés venus de la région des Grands Lacs (RDC, Rwanda ou Burundi). C’est pourtant la France qui a laissé Mayotte dans une situation de dénuement extrême, loin des promesses tenues lors de la départementalisation en 2011 : un taux de pauvreté à plus de 77 % et des bidonvilles à perte de vue. C’est aussi la France qui, par sa politique de création de frontière, en préemptant Mayotte en 1975 alors que les autres îles des Comores prenaient leur indépendance, est à l’origine de ce qu’elle présente comme une « crise migratoire » : les autres îles des Comores étant encore plus pauvres, et toute immigration légale étant désormais impossible, 100 000 à 200 000 personnes vivent sans papiers et sans droits à Mayotte.
À peine le cyclone passé, Macron a déclaré qu’il fallait encore augmenter le nombre d’expulsions, alors que c’est par crainte des arrestations que de nombreux habitants des bidonvilles n’ont pas osé se rendre dans les centres d’hébergement lors du passage de Chido. Le gouvernement ne cesse de cibler les bidonvilles, affirmant qu’il faut empêcher leur reconstruction, alors qu’aucune solution de relogement n’est prévue pour les sinistrés. La préfecture de Mayotte a même pris un arrêté restreignant la vente de tôle ondulée. Lors de sa visite le 30 décembre, Bayrou a promis « un avenir différent pour Mayotte », qui s’avère une stricte application de la « théorie du choc » développée par Naomi Klein suite au passage de l’ouragan Katrina sur la Nouvelle-Orléans : profiter de la catastrophe pour s’en prendre encore plus violemment aux plus pauvres et multiplier les opportunités pour les plus riches. Ainsi l’archipel de Mayotte va-t-il être transformé en vaste zone franche pour toute entreprise souhaitant y investir.
Alors que l’accès à l’eau et à l’électricité ne sont toujours pas rétablis pour l’immense majorité des habitants, que de nombreux sinistrés sont chassés des établissements scolaires où ils étaient hébergés sans avoir nulle part où aller, la tension monte à nouveau entre ceux qui s’estiment Mahorais, et ceux qui sont vus comme étrangers et pris à partie. Le Pen, qui a fait 59 % des voix sur l’île à la Présidentielle de 2022, peut s’estimer en terrain conquis et y déverser tout son discours haineux. Mais c’est la population de Mayotte qui paie le prix de la domination coloniale et de cette stratégie du « diviser pour mieux régner ».
Lydie Grimal