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Sous Trump, un climat de peur : les migrants et les fonctionnaires ciblés dès la première semaine

La première semaine du deuxième mandat de Donald Trump a été marquée par de nombreuses attaques contre les immigrés et, plus généralement, d’autres catégories de travailleurs.

Trump avait, pendant sa campagne, promis d’expulser « des millions » de migrants, reliant, au mépris des faits, migrants et insécurité. Il a commencé en décrétant un état d’urgence national et en autorisant l’armée à se masser à la frontière mexicaine. L’ICE (services de l’immigration et de la douane), c’est-à-dire la police de l’immigration, a désormais le droit de rentrer dans les écoles, les hôpitaux et les églises pour arrêter les travailleurs migrants soupçonnés d’être en situation irrégulière. On a donc assisté à, en moyenne, un millier d’expulsions par jour cette semaine.

Même si Biden avait fait expulser 270 000 migrants pendant les quatre ans de son mandat, c’est-à-dire davantage que Trump lors de son premier mandat, la publicité provocatrice avec laquelle ces expulsions se font vise non seulement à satisfaire les électeurs Maga (Make America Great Again), mais surtout à créer un sentiment de panique parmi les immigrés travaillant aux États-Unis, ceux en situation irrégulière bien sûr, mais aussi ceux qui disposent d’un titre de séjour et qui ressentent ainsi la précarité de leur statut. Pour bien enfoncer le clou, Trump a de plus signé un décret destiné à abroger le droit du sol, c’est-à-dire la nationalité automatique pour toute personne née aux États-Unis, quelle que soit la nationalité de ses parents. Ce décret a heureusement été suspendu par un juge fédéral, car le droit du sol est garanti par le quatorzième amendement de la Constitution américaine.

Concernant les États ou les villes, en général dirigés par des Démocrates, qui ont annoncé refuser de coopérer à ces expulsions, Trump menace de les priver de fonds fédéraux. La Californie, un État où habitent 2,4 millions de sans-papiers et dont de nombreuses industries (agriculture, construction et hôtellerie) dépendent de la main-d’œuvre sans papiers, vient d’être ravagée par d’énormes incendies. Trump, en visite à Los Angeles, une ville ravagée par les flammes, a soufflé le chaud et le froid en menaçant de couper les aides fédérales, tout en promettant une aide « à 100 % » pour la reconstruction des quartiers détruits.

Le langage tenu vis-à-vis des pays d’Amérique latine vers lesquels des milliers de migrants ont été expulsés n’a rien du langage de la diplomatie habituel entre États indépendants ! Lorsque la Colombie a refusé les avions militaires américains transportant des migrants, Trump a réagi par un décret imposant des tarifs douaniers de 25 %, menaçant de les porter à 50 % dès la semaine prochaine. La Colombie a capitulé, les États-Unis étant son premier partenaire commercial. Le Brésil a aussi dénoncé les conditions inhumaines de ces expulsions, avec des travailleurs migrants menottés sur leur siège d’avion, empêchés d’aller aux toilettes pendant le vol ! L’administration de Lula a ainsi immobilisé un avion militaire américain… mais n’a pas cherché à s’opposer aux expulsions et s’est chargée d’acheminer elle-même les travailleurs expulsés jusqu’à leur destination finale.

Trump s’attaque aux migrants avant tout parce que ce sont les travailleurs avec le statut le plus précaire : il ne cherchera certainement pas à expulser tous ces travailleurs dont les industriels américains ont trop besoin. Mais, en créant un climat anxiogène, il espère rendre l’ensemble des travailleurs plus dociles : réponse à la vague de grèves aux États-Unis ces deux dernières années ? En tout cas, les migrants sont les premiers attaqués. Il y aura d’autres catégories. En fait, ça a déjà commencé et Trump s’appuie sur les préjugés contre les fonctionnaires qui, des deux côtés de l’Atlantique, sont des boucs émissaires désignés à la vindicte publique ! Après s’en être pris à leurs conditions de travail en leur interdisant le télétravail, il a annoncé la fermeture avant la fin du mois de janvier des départements s’occupant de la diversité et de l’inclusion. Il a de plus signé cette semaine un décret qui lui donne la possibilité de licencier 50 000 fonctionnaires. Ça, c’est pour la proclamation. En réalité, il offre des primes à ceux qui démissionneront avant le 2 février.

Et tout est à l’avenant. Dur avec les plus pauvres et les plus précaires, Trump a multiplié les gestes envers les plus riches. Outre les promesses de diminuer aux prélèvements fiscaux, il a tenu à rassurer les industries les plus polluantes en sortant de l’accord de Paris sur le climat, en prenant des mesures en faveur des combustibles fossiles et en abrogeant les mesures de protection des terres contre les forages, parmi d’autres mesures catastrophiques pour le climat. Il a gelé par décret toutes les subventions et tous les prêts fédéraux – pendant 48 heures, un juge fédéral ayant suspendu la décision –, provoquant le chaos et la confusion dans les programmes d’aide au logement, aux soins de santé, de distribution de bons alimentaires. Même la recherche sur le cancer des instituts nationaux de santé n’a pas été épargnée. Si Trump arrive à faire les énormes coupes budgétaires qu’il a promises, cela voudra dire la suppression de pans entiers des administrations fédérales de service public.

Trump s’appuie sur sa base la plus réactionnaire, faite de « libertariens » comme Elon Musk, des membres et des dirigeants des églises évangélistes, tous ceux qui appellent à une croisade « anti-woke » pour justifier ces coupes. Trump affirme qu’un État plus « maigre » serait plus efficace, serait un « cadeau » fait aux Américains. En réalité, ces coupes et licenciements serviront à financer d’énormes réductions d’impôts pour les riches, des subventions massives pour ses copains, comme le plan de 500 milliards de dollars annoncé en faveur du secteur de l’intelligence artificielle. Car c’est à la bourgeoisie américaine que Trump offre les vrais cadeaux !

Sylvie Carlson