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Bras de fer entre le gouvernement italien et Stellantis : tous les nationalismes sont bons à faire marcher la machine à subventions

Après des mois de « bras de fer » entre le gouvernement italien d’extrême droite de Giorgia Meloni et Carlos Tavares, PDG de Stellantis, ce dernier a obtenu en trois jours pas moins de 950 millions d’euros de subventions, dont une bonne partie profitera de fait à Stellantis. Le gouvernement d’extrême droite compte le nombre de véhicules produits et se moque bien des emplois, mais pour lui, 750 000 véhicules produits en Italie par le groupe en 2023 c’est insuffisant, il en veut un million. De fait, c’est un peu plus qu’en France, qui en a produit 737 000 (en baisse de 40 % depuis 2019). Mais le 31 janvier, Giorgia Meloni déclare : « La fusion entre PSA et FCA a caché une prise de contrôle française du groupe historique italien Fiat […] Ce n’est pas un hasard si les choix industriels de Stellantis prennent davantage en compte les exigences françaises. » Giorgia Meloni, d’accord en cela avec la millionnaire Marine Le Pen en France, prétend sauver des emplois « chez soi » en produisant des véhicules et en mettant en concurrence les travailleurs… Résultat : aucun emploi sauvé, mais des milliards de subventions aux actionnaires.

Carlos Tavares champion de la concurrence « inter-nationalistes »

Carlos Tavares, champion du financement des profits par les contribuables de tous les pays, répond sans sourciller le lendemain 1er février dans une interview à Challenges : « Nous fabriquons des voitures électriques en Italie. Mais le gouvernement ne soutient pas la vente de ces véhicules. Or, quand les gouvernements n’aident pas ou suspendent les aides, le marché s’effondre […] Nous ne sommes pas des jouets dans les combats politiques en Europe. » Cynisme pur, car la politique tout entière des États européens est d’être aux petits soins de leur industrie nationale : la France a mis en place un « leasing social », l’Allemagne n’a pas hésité à verser plus de dix milliards d’euros aux patrons de l’automobile pour la production de deux millions de véhicules, l’Espagne subventionne jusqu’à 7 000 euros pour l’achat d’un véhicule électrique, etc.

Tavares est bien placé pour le savoir. Le même jour il se vantait d’une trésorerie de Stellantis de 26,5 milliards d’euros et évoquait la possibilité du rachat d’un autre groupe en difficulté : Renault, Ford ou General Motors. Pour acquérir Renault, il se positionnait même comme le meilleur acheteur, car Volkswagen et Geely-Volvo seraient aussi sur le coup. Dans ce Monopoly de charognards, il est de bon ton de se montrer sans pitié – les actionnaires adorent ça – et surtout de raconter n’importe quoi aux journalistes pour se faire remarquer. Quatre jours plus tard, en effet, Stellantis démentait toute velléité de fusion, ce qui aura pour effet immédiat une chute en bourse des actions Renault et Stellantis.

La seule patrie des nationalistes : les bénéfices des entreprises…

Actionnaire de Stellantis, le gouvernement italien voudrait bien l’être, il trépignait le 31 janvier : l’État français, lui, est actionnaire de Stellantis, il faut que l’État italien le soit aussi. À quoi Stellantis a opposé « ne pas y voir d’intérêt ». De fait les participations française et italienne sont sensiblement les mêmes puisque la famille Peugeot détient 7 % du capital, l’État français 6 % (via Bpifrance) et la famille Agnelli 14 %. Si le PDG, Tavares, est bien franco-portugais, le président du conseil, John Elkann, est l’homme des Agnelli. De toute manière, la participation étatique au capital n’a jamais sauvé un site ni même un emploi, les exemples français de Renault et de Stellantis sont là pour le démontrer : la fonction d’un État est de garantir que les actionnaires sont seuls décisionnaires pour leurs bénéfices.

Or les familles Peugeot et Agnelli ont parlé : pas de raison de bouger, le gouvernement d’extrême droite n’a plus qu’à s’exécuter et lâcher les subventions, ce qu’il fera le 2 février.

En trois jours, Carlos Tavares a donc fait gagner 950 millions à l’industrie automobile (compris dans un projet de 8 milliards de soutien à la filière et à l’électrique), pour financer restructurations et suppressions d’emplois aux frais du contribuable… Sans aucune garantie de sauvegarde du moindre emploi ni du moindre site, en Italie ou ailleurs.

… sur le dos des ouvriers de toute l’Europe

Les ouvriers italiens l’ont bien remarqué. Deux sites Fiat sont menacés de fermeture, celui de Mirafiori près de Turin (près de 3 500 salariés) et de Pomigliano près de Naples (4 500 ouvriers et plus du double dans la sous-traitance). Mercredi 7 février, les ouvriers ont débrayé à la carrosserie de Fiat Mirafiori, le lendemain ils étaient près d’un millier en assemblée générale sur deux équipes à l’appel de la Fiom (Fédération italienne des ouvriers métallurgistes), suite à l’annonce du chômage partiel jusqu’à fin mars et au chantage de Tavares menaçant de fermeture si le gouvernement ne soutenait pas l’industrie automobile. Ces assemblées ont été suivies de débrayages spontanés, pendant lesquels les chaînes de la Fiat 500 E ont été complètement à l’arrêt. Le chômage, qui a démarré lundi 12, a stoppé l’action. Mais la colère et la détermination des travailleurs restent intactes.

Fiat Mirafiori, 8 février 2024

Mobilisation aussi à Pomigliano où, la même semaine, les syndicats et les pouvoirs publics, de la municipalité au gouvernement en passant par la région, étaient main dans la main pour réclamer une aide financière… pour Stellantis, pour maintenir le site et céder ainsi à son chantage.

Mais les ouvriers italiens n’ont pas dit leur dernier mot, la lutte pourrait bien continuer, prendre de l’ampleur et réclamer bien autre chose que des subventions pour Carlos Tavares et les familles Peugeot et Agnelli. Une lutte déterminée pourrait coordonner les travailleurs de différentes usines et rencontrer de la sympathie au-delà des frontières, où les emplois sont aussi menacés, comme en France le site d’assemblage de PSA Poissy (3 000 ouvriers), ou en Espagne, celui de Stellantis Madrid. Car à force d’être tous menacés, d’abord par la mise en concurrence, ensuite par les fermetures, la lutte de certains pourrait se frayer un chemin vers celle des autres, jusqu’à l’union des ouvriers européens contre les fermetures de sites et suppressions d’emplois… et contre les gouvernements (de quelque bord qu’ils soient) qui les orchestrent au service du patronat.

Léo Baserli, 13 février 2024