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L’antisémitisme est un crime, l’antisionisme est un devoir

Une criminalisation du mouvement de soutien à la Palestine

Le récent attentat sanglant contre la synagogue de Manchester – qui a fait trois morts et plusieurs blessés graves – a servi de prétexte outre-Manche pour relancer les attaques contre celles et ceux qui soutiennent dans la rue les Palestiniens contre la politique génocidaire et annexionniste d’Israël. Le chef spirituel de la communauté juive britannique, le grand rabbin Ephraim Mirvis, un supporter affiché de Benyamin Netanyahou, a affirmé que de telles manifestations favorisaient l’antisémitisme. Le quotidien de droite, le Daily Mail, en a rajouté une couche en affirmant que la flottille humanitaire pour Gaza était « un signe de mépris » à l’égard des victimes de l’attentat. Et tous d’appeler le gouvernement Starmer, qui a déjà interdit le groupe Palestine Action, à durcir sa législation dans ce domaine.

La Grande-Bretagne n’est pas la seule à préconiser une politique de criminalisation à l’égard des soutiens au peuple palestinien. Il y a quelques années, Macron, lors d’un dîner annuel du Conseil représentatif des institutions juives de France, avait annoncé étudier la possibilité d’intégrer l’antisionisme dans la définition juridique de l’antisémitisme. Plus récemment, deux sénateurs Les Républicains, Roger Karoutchi et Stéphane Le Rudulier, ont déposé une proposition de loi visant à inclure l’antisionisme dans les formes de discrimination antisémites. Et l’on peut multiplier les exemples de la même eau en Allemagne, en Autriche, aux États-Unis et ailleurs où la chasse aux antisionistes sert surtout de prétexte pour justifier le soutien à Israël.

L’antisémitisme est un crime, l’antisionisme est un devoir

Cette formule choc, qui a fait flores, est due à Pierre Stambul, ancien président de l’Union juive française pour la paix (UJFP), qui combat à la fois l’antisémitisme et le sionisme. Pour lui, l’antisémitisme est une forme de haine des juifs multiséculaire qui, comme tous les racismes, est un crime. Tandis que le sionisme, qu’il soit de droite ou de gauche, est à l’origine de la colonisation et de l’occupation de la Palestine au détriment de son peuple. Le sionisme est donc responsable non seulement du génocide qui se poursuit à Gaza, mais aussi de la confiscation de terres et des expulsions systématiques de leur maison des habitants de Cisjordanie et de Jérusalem-Est. Sans oublier l’apartheid à l’égard des Arabes d’Israël qui sont toujours considérés comme des citoyens de seconde zone ne bénéficiant pas des mêmes droits que leurs concitoyens juifs.

Notons enfin qu’il existe une fédération des Juifs européens pour une paix juste qui défend les mêmes objectifs que l’UJFP, et qu’aux États-Unis milite sur la même ligne la très active association Jewish Voice for Peace (Voix juive pour la paix) qui se veut « la plus grande organisation juive au monde soutenant la Palestine ».

L’antisémitisme a été à l’origine de crimes de masse, des pogroms de la Russie tsariste aux six millions de Juifs tués par le régime nazi et ses alliés durant la Seconde Guerre mondiale.
Les révolutionnaires luttent contre toutes les oppressions. La lutte contre le racisme sous toutes ses formes et donc, bien entendu, contre l’antisémitisme, fait donc partie de nos combats. Mais il faut être d’une mauvaise foi crasse pour nier l’oppression du peuple palestinien au nom du sionisme qui, de ses origines aux formes génocidaires qu’il prend aujourd’hui avec Netanyahou, dénie aux Palestiniens les droits les plus élémentaires.

Alors, oui, les révolutionnaires luttent contre le racisme, l’antisémitisme et le sionisme !

Jean Liévin

 

 


 

 

Sionisme et mouvement ouvrier

Si l’idée du sionisme est due à un Juif autrichien, Théodore Herzl, traumatisé par l’affaire Dreyfus lors d’un de ses séjours à Paris, ses idées ont surtout pris racine à partir de la fin du xixe siècle dans les communautés juives d’Europe centrale et orientale, alors qu’à l’ouest du continent les Juifs étaient très intégrés à la société.

Au sein de ces communautés orientales, les idées sionistes se sont heurtées dès le départ à deux sortes d’opposition. L’une était représentée par les Juifs orthodoxes, pour lesquels tout retour en Terre sainte sans la venue du Messie était impensable. L’autre par un parti socialiste très fortement implanté parmi les travailleurs, le Bund. C’est lui qui organisait l’essentiel du prolétariat juif et était en lien avec les partis sociaux-démocrates des autres pays.

Quant aux sionistes ils se divisaient en trois grands courants. Le principal, incarné par Herzl lui-même, était libéral et laïc ; un autre, celui dirigé par Vladimir Jabotinsky (dont se réclame Netanyahou) s’intitulait « révisionniste » et cultivait des idées suprémacistes d’extrême droite ; le troisième, qui se voulait « sioniste-socialiste », avait été créé par un Ukrainien, Ber Borochov, qui avait fondé son propre parti « L’Ouvrier de Sion » (Poale Zion). Lors de la révolution russe, une partie de ses militants rejoignirent le Parti bolchevik et, en Palestine, rompirent avec le sionisme pour créer le Parti communiste palestinien, ancêtre du Parti communiste israélien. Mais la Seconde Guerre mondiale et la Shoah firent basculer des millions de Juifs vers le sionisme et rendirent possible la création de l’État d’Israël.

C’est le Poale Zion, devenu parti travailliste, et ses différentes tendances qui furent à l’origine d’expériences comme les kibboutz (fermes collectives), les moshavs (villages collectifs) et la confédération syndicale, la Histadrout, qui mit sur pied la Sécurité sociale et contrôla jusqu’à un tiers de l’économie israélienne par le biais notamment de coopératives. Mais ces réalisations étaient entachées par le fait que, dès l’origine, elles étaient réservées aux seuls Juifs et fermées aux Arabes.

La gauche sioniste fut à la tête de l’État pendant trois décennies (1948-1977). Elle mena une politique belliqueuse et annexionniste à l’égard de ses voisins arabes, entreprit la colonisation de la Cisjordanie et de Gaza, instaura le régime militaire dans les territoires occupés et multiplia les discriminations à l’égard des Arabes israéliens. Elle donna carte blanche au secteur privé et abandonna finalement toute référence au « sionisme-socialisme » de ses origines pour se rebaptiser « démocrate ». Sa politique amena finalement la droite et l’extrême droite au pouvoir, en la personne de Menahem Begin d’abord puis de Benyamin Netanyahou ensuite. On connait la suite…

J.L.