L’hôpital psychiatrique de Novillars est un établissement proche de Besançon qui a pour mission de proposer des soins aux personnes souffrant de troubles psychiques sur tout le département du Doubs. Il compte plus de 800 salariés. Il est composé de cinq grands pôles, trois pour les adultes, un pour les enfants et un pour les personnes âgées. Ces pôles sont eux-mêmes divisés en pavillons. Depuis environ 25 ans, l’hôpital se voit amputé d’une partie de ses fonds avec des restrictions budgétaires annuelles. Les conditions d’accueil pour les patients se dégradent et le travail aussi. C’est désormais un établissement qui peine à recruter. Une partie du personnel quitte régulièrement l’hôpital voire parfois la profession. Devant cette hémorragie de personnel, la direction a fait le choix de geler des lits. Les urgences psychiatriques sont au bord de la rupture et les pavillons d’admission peinent à recevoir tous les patients qui le nécessitent faute de place.
Le personnel s’évapore
Au pôle C, qui est un service pour adulte, les conditions de travail se sont nettement dégradées ces dernières années. Le médecin chef de service, pourtant psychiatre, ne supporte pas que la parole circule. L’encadrement est à son image. L’un des responsables est d’ailleurs connu pour faire des réflexions moyenâgeuses aux femmes. Cette ambiance délétère fait que de nombreux soignants sont partis. Les psychologues ont suivi, puis certains médecins. Prenant alors prétexte du sous-effectif ainsi créé, la direction du pôle a évoqué au mois de mars, lors d’une réunion institutionnelle, la possible fermeture d’une unité de quatorze lits, appelée l’Étape. Cette information, relayée par le syndicat SUD, a vite été démentie dans le quotidien local par la direction de l’hôpital.
La réaction s’organise
Deux mois plus tard, cette même direction s’est déplacée pour annoncer à l’équipe la fermeture de l’Étape. On n’est pas à un mensonge près. Les soignants de l’unité, accompagnés du syndicat SUD, ont donc décidé d’exprimer leur colère et ont mis des banderoles à l’entrée de l’hôpital et sur le service en question. La direction a fait enlever les banderoles de l’entrée en catimini, en pleine nuit, mais n’a pas osé aller devant le pavillon de peur de se faire rabrouer par l’équipe ! Les banderoles sont donc toujours bien là !
Mardi 3 juin, une assemblée générale appelée par SUD (FO et la CGT n’ayant pas souhaité y participer) a réuni une quarantaine de collègues bien déterminées à réfléchir sur la façon de marquer leurs désaccords avec la direction. Au début de l’AG, le directeur et la directrice ont pointé leur nez. Sous couvert de « dialogue social », ils étaient résolus à tenir le crachoir, mais c’était sans compter sur la réaction des présents, qui ont voté leur exclusion. Ils ont donc dû partir, tout penauds. Les collègues de l’Étape ont détaillé avec quel mépris la décision de fermeture du service avait été prise, sans même leur demander leur avis. Elles ont aussi raconté qu’elles avaient eu deux jours, pas un de plus, pour émettre leur vœu de nouvelle affectation, car elles vont être redispatchées sur l’hôpital. Vœux qui n’ont pour la plupart pas été respectés. Quant aux ASH, menu fretin pour la direction, elles ne savent toujours pas quand elles auront une nouvelle affectation alors que l’unité ferme le 4 juillet. Les patients seront aussi dispersés sur d’autres services, ce qui constitue pour eux une véritable rupture de soins, mais ce n’est pas a priori un élément qui chagrine la direction. Pendant cette assemblée les propositions de lutte ont fusé. Finalement nous avons décidé de nous mettre en grève le 10 juin, ainsi que de faire le tour de toutes les unités pour finalement envahir le CSE.
La direction veut du dialogue, nous allons lui en donner.
Correspondante
Sommaire du dossier
- La santé braquée pour les profits : état d’urgences
- Déserts médicaux et pénurie de médecins : à qui la faute ?
- À l’AP-HP, coup de sang contre le sous-effectif
- Institut Gustave Roussy : vive le fric et l’exploitation
- Nouveau CHU de Nantes : aux petits soins des capitalistes de bâtiment et de la santé
- Hôpital psychiatrique de Novillars : la colère s’organise
- Hôpital du Rouvray : la psychiatrie au bord du gouffre
- Progrès et hypocrisie des lois « fin de vie »
- Livre — États d’Urgences : le quotidien d’une médecin en lutte pour l’hôpital public, de Caroline Brémaud