Au bonheur des promoteurs et du BTP
Un nouvel hôpital devrait ouvrir ses portes en septembre 2027 sur l’Île de Nantes, sur les terrains de l’ancien marché de gros. Ce chantier titanesque tient toutes ses promesses pour les promoteurs et les grands groupes du BTP (Vinci qui accapare la moitié du chantier, mais aussi Legendre ou Eiffage) qui se partagent le marché. Le budget initial de 957 millions d’euros a été allègrement dépassé d’au moins 55 millions, leur assurant de confortables profits, financés pour partie par les ressources propres et des nouveaux emprunts contractés par le CHU. Les profits de Vinci sont assurés grâce aux dettes de l’hôpital public. L’austérité budgétaire c’est pour les soignants, pas pour les comptes bancaires des actionnaires !
Ce nouvel hôpital sera aussi la figure de proue de l’urbanisation de la pointe ouest de l’Île de Nantes autrefois occupée par des industries liées aux chantiers navals, avec la construction à venir de milliers de nouveaux logements et de bureaux. Un eldorado des bétonneurs ! Enfin, le déménagement du CHU historique va libérer une immense parcelle foncière en plein centre-ville, ce qui ne manque pas d’aiguiser les appétits… Tout cela avec le soutien sans faille de la maire du Parti socialiste, Johanna Rolland, et de sa majorité municipale « gauche plurielle » (Verts, PCF, Gauche démocratique et sociale…), malgré les critiques dues aux aberrations du projet dont la moindre n’est pas de construire un hôpital sur une île… en zone inondable…
Un projet mégalo déjà trop petit
À en croire la communication officielle, le nombre de lits et de places resterait inchangé par rapport à l’établissement précédent. Mais cette apparente stabilité est un trompe-l’œil, car elle s’accompagne d’une augmentation de l’ambulatoire, ce qui signifie que les lits d’hospitalisation seront en baisse. Dans une métropole qui a gagné en moyenne plus de 7 000 habitants par an depuis entre 2016 et 2022, le bel écrin du nouvel hôpital, avant même d’être inauguré, est déjà sous-dimensionné pour répondre aux besoins de santé de la population. Ce qui ne pourra que faire les affaires des cliniques et centres hospitaliers privés qui se développent dans la métropole (notamment Santé Atlantique et Confluent, respectivement propriétés de deux mastodontes de l’hospitalisation privée, Elsan et Vivalto Santé). Les capitalistes de la santé remercient Johanna Rolland !
Réorganisation à venir… réunions houleuses…
Alors que les services craquent à cause du sous-effectif, la direction du CHU profite de ce déménagement pour réorganiser et intensifier le travail : gel un an avant le déménagement des mutations entre services et des disponibilités sauf motif de force majeure, fusion de services amenant à une polyvalence accrue. Lors d’une récente réunion d’information pour les soignants des services de médecine, face à des infirmières et des médecins en colère, qui leur faisaient part de leur épuisement, des dirigeants du CHU ont tenu la ligne : il n’y aura aucune embauche supplémentaire. La situation va donc encore se dégrader, poussant plus de soignants au burn-out, et menant à des drames, à l’instar des quatre patients décédés aux urgences en août 2024, faute de soins, ou de cette personne âgée de 80 ans, décédée en janvier 2025 après 10 heures passée dans la file d’attente.
Les réunions organisées par la direction sont une occasion pour exprimer le mécontentement et pour se retrouver collectivement. Dans certains services de médecine, la grogne commence à s’organiser pour revendiquer des embauches dès maintenant. La colère couve… le déménagement pourrait être l’étincelle !
Sacha Crepini
Sommaire du dossier
- La santé braquée pour les profits : état d’urgences
- Déserts médicaux et pénurie de médecins : à qui la faute ?
- À l’AP-HP, coup de sang contre le sous-effectif
- Institut Gustave Roussy : vive le fric et l’exploitation
- Nouveau CHU de Nantes : aux petits soins des capitalistes de bâtiment et de la santé
- Hôpital psychiatrique de Novillars : la colère s’organise
- Hôpital du Rouvray : la psychiatrie au bord du gouffre
- Progrès et hypocrisie des lois « fin de vie »
- Livre — États d’Urgences : le quotidien d’une médecin en lutte pour l’hôpital public, de Caroline Brémaud