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Au Centre hospitalier du Rouvray (Seine-Maritime), la psychiatrie au bord du gouffre

La santé mentale, une grande priorité nationale avait annoncé Macron… Sept ans après la grève de la faim au retentissement national de huit membres du personnel soignant de Rouvray qui avaient voulu ainsi alerter sur la disparition inexorable des moyens allouées à la psychiatrie publique, la situation est de nouveau catastrophique dans cet hôpital.

Deuxième structure d’accueil psychiatrique de France en nombre de patients, le Rouvray (Sotteville-lès-Rouen) fait de nouveau la une des médias locaux depuis quelques jours. Démissions en série, fermetures temporaires de services, dégradations des relations entre direction, chefs de pôle et médecins, mise à un pied d’une cheffe de service pour « manquement au règlement », intimidations entre soignants, agressions verbales, management brutal et toxique, déplacements de malades sans l’avis des équipes soignantes, surveillance accrue des pratiques des soignants (via les données informatiques) en contradiction avec la tradition de la liberté de prescription.

État d’alerte et fermeture de l’unité pédopsychiatrie Rimbaud

Le dernier épisode révélateur de ce climat délétère dont les patients sont évidemment également victimes : la fermeture depuis plusieurs mois de l’unité de pédopsychiatrie Rimbaud, dépendante du Pôle enfants et adolescents (PEA). Cette unité, unique sur les départements de l’Eure et de la Seine-Maritime a une capacité de dix lits, accueillant de jeunes enfants présentant des troubles psychiatriques qui nécessitent une prise en charge hospitalière. Plusieurs salariés ont alerté en vain pendant plusieurs mois la direction de l’hôpital sur la situation préoccupante au sein du service. Il aura fallu attendre une déclaration de danger grave et imminent (DGI) effectuée par une partie de l’équipe en juillet 2024 pour que la direction soit contrainte de prendre en considération la situation. Mais, même à la suite de cette alerte, des agents ont dû faire un signalement auprès de l’Agence régionale de santé (ARS) en novembre 2024 pour alerter sur l’inaction et le manque de réactivité de la direction. Dans le même temps, la direction a continué à ignorer les alertes de différents agents (psychologues, paramédicaux, médecins…) concernant les dysfonctionnements majeurs qui mettaient l’équipe et les patients en danger.

C’est donc en plein connaissance de cause que les agents et les patients ont été maintenus dans une situation hautement dégradée. En janvier 2025, la direction et le médecin chef du PEA ont annoncé la fermeture de Rimbaud pour trois mois, sans apporter aucun élément expliquant cette fermeture. Les agents du service ont été dispersés dans plusieurs services. L’unité est toujours fermée aujourd’hui, sa réouverture ayant été annoncée une première fois  pour septembre 2025, puis plus récemment, la direction a évoqué le mois de décembre 2025 pour une hypothétique réouverture.

Mutation punitive

La cadre de santé de l’unité, lanceuse d’alerte, a été mutée de manière punitive en janvier 2025 sans aucune explication officielle après avoir dénoncé les dysfonctionnements et des faits qu’elle a qualifiés de maltraitance. Le syndicat SUD Santé de l’hôpital, après avoir bataillé seul durant plusieurs mois au sein des instances de représentation du personnel sans pouvoir ébranler la direction, a fini par contacter la presse au début du mois de mai. C’est ce qui va peut-être enfin permettre de faire pression sur la direction pour qu’elle décide de rouvrir l’unité et d’annuler la mutation forcée de sa cheffe de service.

Marie Darouen

 

 


 

 

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