
L’entreprise systématique de destruction des Juifs par le régime nazi (appelée aussi Holocauste ou Shoah, d’un mot hébreu qui signifie « catastrophe ») a abouti à l’anéantissement de 40 % de la population juive de par le monde et des deux tiers de celle du Vieux Continent. Ce n’était pas le premier génocide du XXe siècle. Auparavant, entre 1904 et 1911, les troupes coloniales allemandes avaient éliminé 80 % de deux peuples africains, les Héréros et les Namas, sur le territoire de l’actuelle Namibie, et le régime des Jeunes-Turcs avait liquidé, entre 1915 et 1923, un million deux cent mille Arméniens en Anatolie et en Arménie occidentale.
Mais le cas de l’Allemagne nazie est un peu différent. Pour la première fois, une grande puissance industrielle utilisait tous les moyens à sa disposition (notamment transports, logistique, industrie chimique, création de gigantesques infrastructures, etc.), pour venir à bout d’une population civile – femmes, hommes, enfants, vieillards – avec le but avoué de la faire complètement disparaître. L’œuvre d’extermination des nazis se distingue par son caractère industriel, bureaucratique et systématique. Les moyens de mettre à mort ont été variés : fusillades massives par des commandos spéciaux sur le front de l’Est, travail forcé et sous-alimentation, gazage dans des camions à gaz ou des chambres à gaz, fours crématoires, etc. En Europe de l’Est, les Juifs seront, dans un premier temps, coupés du reste de la population en étant parqués dans des ghettos (il y en eut au total plus de 1 000 dont le plus célèbre, celui de Varsovie, se souleva en avril-mai 1943 en tenant tête aux troupes nazies pendant plus d’un mois). Et cette extermination se poursuivra jusqu’aux tout derniers jours de la guerre, en 1945.
Antijudaïsme religieux et antisémitisme racial
Dès qu’il arriva au pouvoir, en janvier 1933, le régime nazi promulgua les premières lois anti-juives. Elles trouvèrent un écho dans l’antisémitisme tenace d’une partie de la population, héritage direct d’un antijudaïsme présent en Europe dès le Moyen Âge mais qui était, à ses débuts, d’essence essentiellement religieuse. On reprochait alors aux Juifs d’être « un peuple déïcide » pour avoir laissé crucifier le Christ. Mais, au XIXe siècle, avec la montée des mouvements nationalistes, cet antijudaïsme a pris une tournure raciale (voir l’affaire Dreyfus en France dans les années 1890). On reprocha aux Juifs d’être « de race sémite », alors que le reste de la population était supposé d’origine indo-européenne et descendre d’hypothétiques « Aryens ». C’est cette forme d’antisémitisme qui a subsisté jusqu’à nos jours et qui, avec le même type d’arguments, nourrit aussi le racisme anti-arabe, anti-noir et, plus généralement, anti-migrants.
Dans une Allemagne durement touchée par la crise de 1929 et qui comptait des millions de petits-bourgeois ruinés (artisans, commerçants, notaires, professions libérales, paysans, etc.) les Juifs, massivement présents dans les professions commerciales, constituaient des boucs émissaires rêvés à cette colère. Ils subirent toutes les humiliations (confiscation des biens et des logements, port de l’étoile jaune, exclusion de la plupart des professions, attaques physiques, ainsi que la destruction des synagogues et des centres communautaires, etc.) avant d’être exterminés.
Et le IIIe Reich étendit le même système de répression et de mise à mort à tous les pays qu’il avait conquis.
En France, avec la collaboration du régime Pétain, les rafles, préalables à l’envoi dans les camps de mort, se firent massives. Au total, près 76 000 Juifs (dont près de 11 000 enfants) furent déportés, auxquels il faut ajouter 3 000 morts dans les camps « français » d’internement, de regroupement ou de transit (Gurs dans les Pyrénées-Atlantiques, Beaune-la-Rollande et Pithiviers dans le Loiret, Drancy, en région parisienne, Struthof, en Alsace annexée, etc.), souvent de maladie, de manque de soin ou de mauvais traitements, et 1 000 autres exécutés, le plus souvent fusillés ou tués d’une balle dans la tête.

C’est environ le quart de la population juive d’avant-guerre qui disparut, le reste réussissant à se cacher grâce à l’aide d’amis, de voisins, de réseaux organisés et de la complicité d’une grande partie de la population qui, à partir de 1942, s’indigna, en nombre grandissant, du sort que l’on réservait aux Juifs.
En guise de conclusion
Le génocide juif nous a montré le niveau d’horreur que pouvait atteindre une société capitaliste en crise. Si ne nous ne parvenons pas à la renverser et à créer sur ses ruines une nouvelle société plus juste et plus humaine, qui ne portera plus en elle la guerre comme la nuée porte l’orage (pour paraphraser Jaurès), d’autres holocaustes sont possibles et les bourreaux seront encore plus efficaces en disposant cette fois d’armes comme la reconnaissance faciale ou les bombes nucléaires. La tâche est donc de lutter pour le renversement du capitalisme et l’avènement du socialisme.
Mais cela passe aussi par la lutte quotidienne contre l’antisémitisme qui, loin de régresser, ne cesse au contraire de progresser. Tout en se démarquant soigneusement de celles et ceux qui utilisent la mémoire du génocide pour justifier toutes les guerres menées par l’État d’Israël contre le peuple palestinien et ses voisins, voire leur racisme anti-arabe. La mémoire des six millions de victimes mérite mieux que cela.
Léo Stern